Café chaud

Il a pris son café avec un geste qui parle de l’habitude : Il a ouvert la capsule de lait, l’a versée dans le grand verre, l’a posé sur la table et l’a remué posément.

Un tour assez long au toilettes lui a permis de se mettre un peu plus à l’aise et à son retour il s’est assis à nouveaux en face des deux jeunes filles qui ont eu la simplicité de ne pas l’ignorer et de ne pas le fixer non plus.

Maintenant que le café est fini il est là, le regard lent qui se promène devant lui. La chaleur du lieu pénètre les vêtements, les gants en laine et le manteau, c’est le début d’un vrai petit confort. Ceci dit la chaleur vient plus vite à travers les gants que le manteau qui est couvert d’un poncho. Le poncho fait écran.

Rester encore, un peu, un peu plus. Tant que c’est possible et que l’on ne l’invite pas à quitter la salle. Tant qu’il reste bien assis on ne le remarque presque pas. Il faut profiter le plus possible de ce moment chaud de la journée. Encore un peu, un peu plus.

Et puis il parle à voix basse avec quelqu’un d’invisible. Peut-être pense-t-il à voix haute ou bien discute-t-il avec un ami imaginaire, ou encore un proche pas revu depuis longtemps. Mais peut-être aussi se dispute-t-il avec quelqu’un rencontré plus tôt dans la journée. Cette discussion donne l’impression d’avoir lieu tous les jours tant elle a démarré vite, simplement. Elle donne un air de mécanique.

La lecture de la feuille du dessous du plateau permet de donner un semblant d’occupation aux trois prochaines minutes. La discussion reprend et la dispute semble avoir gagné la partie. Peut-être que cet adversaire est le même tous les jours. Peut-être est-il tout le monde, un vieux démon prenant le visage de tous les gens de la rue, de tous les passants.

Le passage de la serveuse instaure une certaine tension, il fixe son regard sur son verre sans l’en déplacer, figé. Et puis la serveuse est passée, tout va bien.

Deux minutes plus tard il a disparu, il n’est plus là, la table est vide et propre.

C’est le SDF du Macdo,

Denfert-Rochereau, le 10 Décembre 2010, 21h